Année :
2013
Genre : Famille décomposée.
Durée: 1h26

Avec:
Ayaka Komatsu
(Sara)
Tooru Tezuka
(Teramoto)
Makoto Togashi
(Shizuko)
Riku Ônishi
(Kenichi)

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Lauréat de nombreux prix, dont le grand prix du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer 2014, MISS ZOMBIE aura suscité des réactions partagées auprès de ses spectateurs, certains quittant la projection en s'estimant "déçus". Il est certain que s'ils s'attendaient à un film de zombie classique, il ne pouvait pas en être autrement. Car MISS ZOMBIE n'est certainement pas un film d'horreur (et ce n'est pas non plus l'histoire d'un concours de beauté réservé aux mortes-vivantes comme l'avait pensé son actrice principale la première fois qu'on lui avait parlé du projet) mais plutôt un drame familial sur fond de fantastique. Et accessoirement, c'est aussi un petit bijou cinématographique.


L'action se déroule dans un futur proche où un virus s'est répandu dans le monde, transformant certaines personnes en zombies. Transmissible par morsure (les zombies ont des canines de vampire), la maladie présente cependant plusieurs stades et si certains zombies sont effectivement proches de ceux des films d'horreur, attaquant en groupe tous les vivants qui croisent leur route, d'autres sont plus dociles (à condition de les maintenir à un régime végétarien) et peuvent être employés comme domestiques. On notera toutefois que le scénario n'est pas très consistant sur les symptômes de la zombification et qu'on verra une personne passer en mode "cerveaaaaaau" dès sa contamination alors que toutes les autres victimes conservent un certain temps leurs souvenirs et un comportement humain.


Toi-aussi adopte un zombie.


Livré avec mode d'emploi.


Et garantie.

Sara, la Miss Zombie du titre, est une de ces zombies domestiques achetée par la famille Teramoto pour nettoyer leur terrasse. Muette et monolithique, gardant les mêmes vêtements jour après jour, exécutant chacun de ses gestes de façon mécanique et répétitive et subissant sans broncher moult brimades physiques puis sexuelles, Sara n'est plus qu'une enveloppe vide dont le seul lien avec son ancienne vie est une photo qu'elle regarde fixement mais dont la signification lui échappe chaque jour un peu plus (ce que le réalisateur souligne en floutant la photo).


Hé, tu connais celle de la zombie qui nettoie une terrasse?

Pour Sara, chaque jour de sa vie après la mort suit le même déroulement immuable: elle arrive chez les Teramoto, récure leur terrasse, repart après que Shizuko, la maîtresse de maison, lui ait remis un sac contenant son repas et une fleur, se fait lapider par les enfants du quartier, croise un trio de voyous qui s'amusent à lui planter dans le dos un objet pointu différent à chaque fois, puis elle arrive enfin chez elle où elle se sustente, recoud ses blessures et ajoute fleur et objet pointu à sa collection.


J'ai pas un truc, là?


Et un objet de plus pour ma collection.

Et pourtant, Sara n'est pas tellement différente des autres personnages: même les vivants sont enfermés dans la routine, répétant les mêmes actions et parfois les mêmes phrases d'une journée à l'autre. Au point que, de même que Sara se définit par sa fonction de nettoyer la terrasse, les autres protagonistes finissent eux aussi par ne plus être définis que par une seule action dont le sens est parfois nébuleux: le mari travaille dans son bureau, le fils prend des photographies, les ouvriers construisent on ne sait quoi dans la propriété, les enfants lapident Sara et les voyous la poignardent par jeu.


Ces paparazzi ne me laisseront donc jamais tranquille?

Et pourtant, Sara va devenir bien malgré elle l'élément perturbateur de cette mécanique bien huilée. D'abord quand les ouvriers la violent et que le mari, témoin de la scène, devient obsédé par elle au point de tromper sa femme avec. Ensuite quand Kenichi, le fils des Teramoto, est victime d'un accident mortel et que sa mère, inconsolable, demande à Sara de le contaminer. Le jeune garçon revient ainsi à la vie mais délaisse sa mère pour Sara, dont il est désormais plus proche.


Lève-toi et marche.

Quand la santé de l'enfant mort-vivant commence à décliner, Sara se mue en meurtrière pour lui fournir le sang nécessaire à sa guérison. Non dénuée d'un certain sens de la justice, elle en profite pour régler ses comptes avec le trio de voyous qui la tourmentait, les tuant avec – ironie suprême! – un des objets pointus qu'ils avaient utilisés contre elle.


Au nom de Romero, je vais te punir! (Vous m'en auriez voulu si je ne l'avais pas faite, celle-là)

Au contact de Kenichi, l'humanité de Sara refait surface par petites touches: quand elle quitte son mutisme pour fredonner sur son chemin, quand son visage impassible se met à exprimer des émotions, quand ses yeux noirs d'encre deviennent clairs, ou quand elle éclate en sanglot quand les souvenirs de son ancienne vie lui reviennent enfin en mémoire. Parallèlement, la santé physique et mentale de Shizuko se dégrade à mesure qu'elle voit son mari et son fils s'éloigner d'elle au profit de Sara. C'est bien simple: les deux héroïnes subissent des évolutions à la fois parallèles et opposées, Shizuko ressemblant de plus en plus à une zombie à mesure que Sara retrouve son humanité, et cette opposition se conclura de manière à la fois tragique et ... involontairement comique tant Shizuko est excessive dans son pétage de plomb final dont le clou est un hurlement qu'il est impossible d'écouter en gardant son sérieux.


Shizuko avant.


Shizuko après.

Comme vous le voyez, il y a de la critique sociale dans ce scénario où la frontière entre vivants et zombies est floue et où les humains sont souvent plus monstrueux et inhumains que les "monstres" que sont supposés être les zombies. Ce n'est pas si surprenant quand on se rappelle que George A. Romero, réalisateur de la célèbre "Saga des Zombies", aimait déjà saupoudrer ses films de critique sociale. Le réalisateur Sabu rend d'ailleurs hommage au premier film de la saga, LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, en choisissant de tourner MISS ZOMBIE en noir et blanc, l'occasion pour lui de nous offrir des images magnifiques bénéficiant d'un travail de photographie irréprochable. Ce qui n'empêche pas une courte scène en couleur vers la fin pour mieux souligner le retour de Sara à son humanité.


Défense de donner à manger aux zombies.


Cerveaaaaaau!


N'approchez pas, je suis armé!


Ça valait la peine d'essayer.

Ce choix du noir et blanc n'est pas la seule prise de risque du réalisateur. Il y a aussi ces dialogues réduits au strict nécessaire pour rendre le film presque aussi mutique que son héroïne. Ou encore ce rythme lent et hypnotique qui accentue l'aspect routinier de l'existence des protagonistes mais qui, paradoxalement, n'est jamais ennuyeux. Et enfin, ce contre-emploi total dans le choix de l'actrice principale, Ayaka Komatsu, qui se révèle parfaite dans ce rôle de (dé)composition très éloignée de l'image habituelle de l'ex-Sailor Venus.


Il faut souffrir ...


... pour être pas belle.

Autant de prises de risque qui expliquent que certains ont du mal à accrocher à ce film, et c'est bien dommage car même s'il y a quelques problèmes de logique interne (un humain qui devient agressif dès sa contamination en zombie, Kenichi qui a besoin de sang mais pas Sara) et de très rares moments involontairement comiques, MISS ZOMBIE est un véritable chef d'œuvre alliant beauté visuelle et scénario intimiste mêlant critique sociale à l'histoire touchante d'une zombie bien plus humaine que les humains qui l'entourent, retrouvant peu à peu son humanité mais se voyant refuser le happy end au dernier moment.


Sur ce, je vous laisse: j'ai une terrasse à nettoyer.

Toku-Actrice(s) :