Année : 2006
Pays : USA
Catégorie(s) : Policier
Genre : Ice crime
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LA SÉRIE


En 2004 paraît Darkly Dreaming Dexter, un roman policier de Jeff Lindsay au titre allitératif mettant en scène Dexter Morgan, un justicier serial killer que l'auteur réutilisera dans 7 autres récits. Deux ans plus tard, la chaîne Showtime décide d'adapter plus ou moins librement le premier roman sous la forme de la première saison d'une série, saison qu'on peut résumer ainsi: quand un serial killer rencontre un autre serial killer, qu'est-ce qu'ils se racontent?


Aucune idée!

Dans la famille Morgan, on est policier de génération en génération: le père, Harry, était inspecteur de police, la fille, Debra, travaille pour la brigade des mœurs et rêve de rejoindre la section homicide et le fils adoptif, Dexter, travaille pour la police scientifique en tant que spécialiste de l'analyse des traces de sang laissées sur les scènes de crime.


Il a beaucoup changé, le laboratoire de Dexter.


Quand on voit sa tenue de travail, on comprend que Debra ait envie de quitter la brigade des mœurs.


Son petit ami est prothésiste.


Il fait donc des pieds et des mains pour aider ses clients.

En apparence, Dexter a tout du gendre idéal: aimable avec ses collègues, toujours prêt à aider sa sœur, attentionné envers sa petite amie Rita Bennett, qui se remet difficilement de sa séparation d'avec un mari drogué et violent, ainsi qu'envers les deux enfants de celle-ci. Par conséquent, tout le monde l'aime, excepté le sergent James Doakes qui est persuadé que Dexter n'est pas ce qu'il paraît être et de fait, le déteste cordialement.


C'est beau, l'amitié virile entre collègues.

Le pire, c'est que Doakes a raison car sous des dehors charmants, Dexter est un sociopathe qui ne ressent pratiquement aucune émotion et qui, à cause d'un événement traumatisant vécu avant son adoption mais dont il a refoulé le souvenir, éprouve un besoin quasi-compulsif de tuer, le seul acte qui lui procure de réelles sensations. D'ailleurs, autant le dire tout de suite, même si la violence des meurtres est plus suggérée que montrée, la série reste réservée à un public averti tant elle ne lésine pas sur le sang et la nudité.


Parfois les deux en même temps.


Au passage, Jennifer Carpenter, qui joue le rôle de Debra, ayant une clause "no nudity" dans son contrat, on appréciera les ruses de sioux employées dans les scènes où son personnage est nu.


Tout petit, déjà, la vie de Dexter était un bain de sang.


Vous êtes sûr que ce n'est pas l'hôtel Overlook, ici?

Heureusement, Harry Morgan s'est rapidement rendu compte des pulsions homicides de son fils adoptif et lui a appris à les canaliser, d'abord à travers la chasse, puis en lui inculquant un code moral très strict qui fait que Dexter ne tue que des assassins ayant échappé à la justice. Ce qui met d'ailleurs Dexter dans une situation ambiguë puisqu'il tue des personnes qui lui ressemblent et qu'il comprend donc parfaitement au point d'éprouver de l'empathie pour certaines de ses victimes.


Le modus operandi de Dexter nécessite un sacré budget plastique.


Avant de tuer ses cibles, Dexter les confronte à leurs propres crimes.


Il garde toujours une goutte de leur sang en souvenir.


Et il commence à avoir une sacrée collection!


Il se débarrasse ensuite du corps. D'une manière pas très écologique, il faut bien l'avouer.


Ce qui n'empêche pas certaines de ses victimes de refaire surface.

Mais Dexter est-il vraiment si différent de ses collègues de la police de Miami? Déjà, il n'est pas le seul à parfois agir en dehors de la loi. Ainsi, Doakes lui-même n'hésitera pas à abattre froidement une personne en qui il aura reconnu un ancien Tonton Macoute (la sinistre milice du dictateur haïtien François Duvallier, puis de son fils Jean-Claude) et d'autres policiers l'utiliseront à son insu comme appât pour piéger un baron de la drogue (et accessoirement, le punir d'avoir couché avec l'épouse d'un collègue).


OK, les gars, on arrête les clowneries, maintenant.

Et ensuite, il n'est pas le seul à jouer sur les apparences pour cacher sa vraie nature. Son collègue et ami Angelo "Angel" Batista s'efforce de faire croire qu'il continue de vivre le parfait amour avec son épouse alors qu'elle refuse de le voir depuis qu'il l'a trompée. Sa supérieure, le lieutenant LaGuerta, apparaît d'abord comme une personne antipathique et carriériste avant qu'on ne découvre que son attitude cache une personnalité nettement plus nuancée et sympathique. Ce n'est pas par hasard si c'est elle qu'on voit quand Dexter explique au spectateur que "aucun d'entre nous n'est ce qu'il semble être à l'extérieur mais que nous devons maintenir les apparences pour survivre" dans la conclusion de l'épisode qui précède son changement de comportement après que la cible d'une chasse à l'homme très médiatisée qu'elle avait lancée se soit révélé être innocent.


Oh, ça va. Tout le monde peut se tromper!


Le bureau de lieutenant est trop petit pour contenir l'ambition de LaGuerta.


Ce qui ne l'empêche pas d'avoir la fibre maternelle.

Parallèlement à son hobby morbide, Dexter aide ses collègues dans leur enquête sur le Ice Truck Killer (Le Tueur des Glaces en VF), un tueur en série assassinant des prostituées pour exposer ensuite leurs cadavres découpés et exsangues dans des lieux publics, ainsi surnommé car le premier indice qu'on a trouvé sur lui est un camion frigorifique dans lequel il transportait certaines de ses victimes.


N'excluons pas trop vite la piste du suicide.


Une conception très personnelle des cadeaux de Noël.


Découpez selon les pointillés.


Hé, ce n'est pas une de ses victimes, c'est juste une mauvaise imitation!

Le voyant plus comme un camarade de jeu que comme un adversaire, Dexter va donc jouer au chat et à la souris avec ce serial killer intelligent et méthodique qui lui inspire une réelle fascination et qui semble en savoir long sur lui au point de lui transmettre régulièrement des indices pour lui rappeler son passé et l'attirer dans son monde en le faisant céder à son côté obscur.


Le Ice Truck Killer offre régulièrement des cadeaux à Dexter.


Certains plus morbides que d'autres.


Et parfois même des victimes toutes fraîches.


Cette enquête est un vrai casse-tête.


Dépêchons-nous d'analyser cet indice avant qu'on arrête de fabriquer des lecteurs VHS!

Car Dexter est constamment soumis à la tentation de renoncer au code inculqué par son père adoptif pour devenir un tueur sans morale et plus d'une fois, la série nous fera comprendre qu'il est à deux doigts de céder, voire nous fera croire qu'il l'a fait avant de nous révéler qu'en fait non, notamment quand Paul, le mari de Rita fraîchement libéré de prison, refait surface dans sa vie et tente par tous les moyens de récupérer la garde de ses enfants.


Dexter aurait-il réglé son compte à Paul?


Woups!


Ah non, fausse alerte, il s'est contenté de faire croire qu'il avait replongé dans la drogue.


Et retour à la case prison.

La principale difficulté de cette série consiste donc à mettre en scène un tueur en série sociopathe tout en le rendant sympathique aux yeux du spectateur, ce qu'elle réussit à faire pour plusieurs raisons. D'abord, évidemment, grâce au code moral de Dexter qui le pousse à ne s'attaquer qu'à ceux qui tuent des innocents. Certes, on le voit plusieurs fois tenté de le transgresser mais ça ne rend qu'encore plus méritoire le fait qu'il continue malgré tout de le respecter. Ensuite, bien qu'il affirme ne jamais éprouver d'émotions, il lui arrive d'éprouver une réelle compassion pour certaines de ses victimes et il est sincèrement attaché à ses proches. Il n'y a qu'à voir sa réaction quand sa sœur adoptive est enlevée par le Ice Truck Killer pour en avoir la preuve.


Debra sera-t-elle la prochaine victime du Ice Truck Killer?


Ou bien celle de Dexter?


À moins que ce ne soit l'inverse?


C'est qu'ils ont le meurtre dans le sang, dans cette famille!

Et enfin, l'empathie du spectateur pour Dexter est renforcé par le fait qu'il est le narrateur de sa propre série, nous faisant ainsi partager son ressenti et sa vision du monde. Détail flippant: en tant qu'autiste asperger, je me reconnais beaucoup dans ses difficultés à assimiler les interactions sociales.


Tout aussi flippant: Dexter enfant ressemble physiquement à mon neveu au même âge.


Une série qui nous fait entrer dans l'intimité d'un serial killer.


Document prouvant que Dexter est nul en anatomie (PS - J'ai vérifié, ce n'est pas une erreur de traduction de la VF).


Par contre, il est vachement contorsionniste pour arriver à écraser de la main gauche un moustique posé sur son bras gauche dans le générique.

Cette première saison se termine d'ailleurs de façon douce-amère car si Dexter finit par démasquer et supprimer le Ice Truck Killer, il tue ainsi la seule personne dont il se soit réellement senti proche. Et en se souvenant enfin de son passé, il a découvert que son père adoptif et mentor était loin d'être aussi exemplaire qu'il l'imaginait. Sans compter que Doakes est de plus en plus décidé à le démasquer et que Rita commence à avoir des soupçons à son sujet.


La première saison de Dexter fait un triomphe.



BILAN


Concept = 5 / 5
Un jeu du chat et de la souris entre un serial killer justicier et un serial killer sans morale mais qui le fascine et essaye de l'attirer dans son monde. Brillant!



Scénario (Intrigue globale) = 5 / 5
Une intrigue magistrale qui nous conte la traque du Ice Truck Killer tout en nous révélant le passé de Dexter sous forme de flashbacks nous expliquant comment il est devenu ce qu'il est. Si l'identité du Ice Truck Killer n'est pas difficile à deviner (et est d'ailleurs révélée assez tôt au spectateur, renforçant la tension des scènes où il interagit avec les autres personnages qui ignorent toujours la vérité), ce n'est que dans le dernier épisode qu'on apprend les raisons de l'intérêt particulier qu'il porte à Dexter et elles constituent un excellent twist.



Scénario (Épisodes) = 5 / 5
Tous les épisodes sont excellents, développant autant l'intrigue principale que les personnages et leurs relations à travers les nombreuses intrigues secondaires (Le conflit entre Doakes et le baron de la drogue Guerrero, la lutte de pouvoir entre le lieutenant LaGuerta et le capitaine Matthews, les tentatives de Paul Bennett pour arracher la garde de ses enfants à son épouse Rita, etc.). Il est même recommandé de regarder la série plusieurs fois pour mieux apprécier les indices ou les scènes qui prennent une autre dimension quand on connaît la fin. On pouvait s'attendre à un "formula show" où Dexter tuerait une victime différente à chaque épisode mais ce n'est pas le cas. Néanmoins, à l'exception de l'avant-dernier, les épisodes où Dexter ne tue personne sont là pour renforcer le fait qu'il refuse de tuer une personne en particulier, ou bien sont compensés par le fait qu'un criminel est tué par quelqu'un d'autre. (Voir la section épisodes pour plus de détails.)



Héros = 5 / 5
Dexter est un excellent anti-héros moralement ambigu, sans cesse tiraillé entre le code moral que lui a inculqué son père adoptif et son besoin compulsif de tuer, et constamment à deux doigts de basculer dans le côté obscur vers lequel le Ice Truck Killer cherche à l'attirer.



Personnages récurrents = 4,6 / 5
Un quasi-sans-faute. Tous les personnages récurrents ont des personnalités complexes et bien développées et ne sont jamais complètement bons ou mauvais, certains se montrant même aussi moralement ambigus que Dexter. La seule exception est Vince Masuka dont la personnalité se limite à sortir une réflexion salace toutes les 5 minutes.



Personnages secondaires = 4,5 / 5
Qu'ils servent l'intrigue (Tony Tucci, Monique), étoffent l'entourage et le background des personnages récurrents (les familles de Doakes et de Batista, par exemple) ou soient des criminels plus complexes qu'on pourrait le croire (Carlos Guerrero est attaché à sa famille et à ses lieutenants, Neil Perry n'est qu'un mythomane plus pathétique qu'autre chose, et ne parlons pas de Jeremy Downs, tueur paumé et traumatisé par son viol en qui Dexter se reconnaît au point d'envisager de le prendre sous son aile), ils sont tous mémorables.



Antagoniste principal = 5 / 5
Aussi faussement charmeur que machiavélique et calculateur, le Ice Truck Killer est un excellent choix pour un premier adversaire récurrent, un véritable miroir négatif de Dexter incarnant ce qu'il serait sans son code moral et cherchant à l'attirer dans son monde. Il prend même une dimension tragique quand on découvre ses origines et motivations dans le dernier épisode. Le fait que les deux personnages aient vécu le même traumatisme (que le Ice Truck Killer définit comme "le moment où ils sont nés") pour être ensuite élevés dans des environnements différents (une famille attentionnée pour Dexter et un établissement psychiatrique pour le Ice Truck Killer) donne même à la série un sous-texte sur l'inné et l'acquis.



Autres antagonistes = 4,4 / 5
Comme les personnages secondaires, les criminels tués par Dexter bénéficient de personnalités travaillées, chacun ayant un petit quelque chose qui l'humanise sans pour autant excuser ses crimes, les rendant même encore plus horribles: Mike Donovan est horrifié par les siens mais incapable de contrôler ses pulsions, Matt Chambers n'a aucun remords pour les morts que sa conduite cause mais elles n'en sont pas moins involontaires, l'infirmière Mary est convaincue d'aider ses patients en abrégeant leurs souffrances, les Castillo sont sincèrement amoureux l'un de l'autre, le Dr Meridian aide réellement ses patients qui ne sont pas des femmes de pouvoir. Seule exception: Jamie Jaworski, criminel caricatural et unidimensionnel contrastant douloureusement avec les autres.



Casting = 5 / 5
Un excellent casting dominé par Michael C. Hall qui campe un Dexter à la fois sympathique et inquiétant et l'interprète du Ice Truck Killer dont on n'a aucun mal à croire qu'il arrive à dissimuler sa vraie nature à son entourage.



Générique = 5 / 5
Accompagné du célèbre thème de Rolfe Kent, le générique de Dexter est tout simplement culte, montrant le héros (dont on ne voit le visage qu'à la toute fin) se lever, cuisiner, manger, faire sa toilette, s'habiller et partir travailler. Des actions à priori banales mais rendues extrêmement dérangeantes par la façon dont elles sont filmées, avec abondance de très gros plans et insistance sur les fluides rouges (sang, ketchup, jus d'orange sanguine), comme s'il s'agissait de meurtres. L'épisode n'a même pas commencé que le générique donne déjà le ton: nous allons suivre le quotidien d'un tueur.




NOTE FINALE = 19,4 / 20